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[CHRONIQUE : Leurs profits, nos morts] Leurs profits

Leurs profits, nos morts !

Une formule, un cri, une addition… on ne sait pas trop comment on pourrait qualifier cela.

L’enjeu est de comprendre comment cette formule est à la fois une réalité, d’ores et déjà pour certains, et va devenir une réalité de plus en plus large autour de nous.

Cette chronique existe pour comprendre ce que nous vivons, aujourd’hui, pourquoi en sommes nous arrivés là ? Pourquoi ne pouvons nous pas faire face ? Qui est responsable ? Qui seront les victimes ? Un champ large mais qui permet de comprendre, de se poser et de voir où nous pouvons aller.

Cette chronique va utiliser des termes comme bourgeoisie, capitalistes... non pas par dogmatisme sociologique ou marxiste mais car il faut bien préciser qui joue quel rôle dans la situation actuelle. Nous vivons dans un système économique, le capitalisme, c'est un fait. Il y a une classe dirigeante, patronat et gouvernement, dont le rôle est de diriger le politique et l'économie, c'est un fait là aussi.

Tout est issu d’une compilation de connaissances acquises par la lecture d’articles scientifiques comme « Science » de la revue de American Association for the Advancement of Science, de la presse quotidienne mais aussi des données d’articles sur la situation de notre système de santé.

Nous ne sommes pas des scientifiques, comprendre des personnes dont le métier est la science en laboratoire, en recherche, pour qui l’objectif et de savoir et de se spécialiser dans son domaine. Mais ce que nous avons pour nous toutes et tous, c’est notre capacité à lire, de collecter des informations et de faire le lien entre les différents évènements surtout dans une chronologie aussi resserrée. Pourquoi pouvons nous déclarer haut et fort « Leurs profits, nos morts » ?

Nous allons voir les raisons qui ont poussé à tels ou tels choix, les raisons objectives qui ont entraîné la situation de pénurie et d’engorgement d’aujourd’hui et qui sera le plus touché.

Leurs profits

Pour rappel, la première raison de la décision tardive de confinement est bien le profit des capitalistes. D’autant plus que la situation française avec la lutte contre la réforme des retraites était tout de même instable, un confinement sanitaire aurait été de bon aloi pour eux afin d’éviter toutes contestations. Mais cela aurait fait perdre des millions voire des milliards d’euros aux grands groupes français en arrêtant les chaines de productions comme Renault ou Airbus.

  1. Leurs profits nous ont désarmé

Derrière toute politique d’austérité, il y a une justification par le manque de moyen, un manque d’argent mais cela ne va pas que dans un seul sens : raboter les services publics cela se fait en offrant des cadeaux toujours plus grands aux grandes entreprises que cela soit avec les différents aides directes mais aussi les exonérations fiscales et la fraude non combattue. L’austérité dans les secteurs de la santé ? Ce gouvernement essaye de la faire oublier ! Mais c’est bien cette politique budgétaire qu’il a mené de manière très offensive ces dernières années, méprisant violemment celles et ceux qu’il appelle aujourd’hui « héros ».

Pour 2020 l’objectif était de supprimer 2,2% des postes dans la santé…

Mais si cela n’avait été que ça. Il faut remonter plus de vingt ans en arrière de politiques néolibérales qui ont passablement détruit le service public de santé. Le nombre de lit en soin intensif a été réduit de 30% en 20 ans, la France possède aujourd’hui 3,1 lits pour 1000 habitants derrière l’Estonie et la Lettonie mais devant l’Italie.

69 000 lits supprimés en 15 ans en plus des suppressions de nombreux hôpitaux publics.

Ainsi selon la Drees (direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques) : en 2015, 408.000 lits d'hospitalisation à temps complet ont été dénombrés dans les établissements de santé, soit une diminution de 60.000 lits d’hospitalisation par rapport à 2003. Tout cela pour se focaliser sur une hospitalisation en « ambulatoire » c’est à dire courte mais avec une augmentation de 23 000 lits pour ce secteur ce qui fait une perte brut de 33 000 lits. Certains syndicats pointent le chiffre de 69 000 lits supprimés en 15 ans en plus des suppressions de nombreux hôpitaux publics.

Le nombre de respirateur est insuffisant, nous le savons mais il faut savoir qu’un respirateur coûte 13 000 euros TTC en moyenne, autant dire que dans un budget d’état cela ne représente rien même s'il faut rajouter le plateau technique nécessaire à son fonctionnement. Surtout si on le compare aux 110 millions d’euros pour un avion de chasse. Comble, nous avons même pu voir une spéculation sur les marchands de respirateurs avec des modèles d’occasion qui avoisinaient le prix des neufs face à la pénurie annoncée.

Lors des dernières crises sanitaires, les gouvernements avaient mis en place des stocks de masques FPP 2. En 2007 un dépôt avait d’ailleurs été acheté en banlieue parisienne afin de les entreposer pour un coût de 33 millions d’euros. Mais en 2013 cela devint la responsabilité de l’employeur de stocker des masques, afin de faire des économies. C’est à dire que face à une crise sanitaire, scénario envisageait à l’époque, l’Etat serait incapable de gérer et redistribuer. Puisque ces stocks reposeraient uniquement sur la politique des employeurs, à qui il demande de faire des économies par tous les moyens nécessaires. Enfin la décision est prise en 2015 d’écouler les stocks sans devoir les renouveler, au nom, là aussi, des économies nécessaires.

Bien entendu on pourrait se dire que tout cela n’est pas grave puisque le ministère français de la Santé rappelle, dans une note ministérielle, que le port du masque est uniquement recommandé pour "les personnes malades qui […] toussent ou éternuent pour éviter de diffuser la maladie par les postillons" .

Pour les non malades cherchant simplement à éviter d’attraper la maladie, son efficacité "n’est pas démontrée ». Pourtant lors de sa prise de parole à Mulhouse, le président de la République portait le dit masque, pourquoi ? Si cela n’est pas dangereux.

Au delà de la plaisanterie sur l’inégalité de traitement entre eux et nous, il faut dire que scientifiquement il a été prouvé que le port de masque a permis de limiter la contagion. Les nombreux pays qui l’ont généralisé ont réussi à limiter l’épidémie comme en Corée du Sud.

2) Une économie du profit, une économie de pénurie.

Avant la décision prise par le sénat et le gouvernement hollande de faire fondre les stocks de masques , l’économie dictait déjà les logiques sur la production de masque. Ainsi une des seules entreprises de France capable de produire en très grande quantité des masques a été fermée.

En 2010, les salariés ont vu leur usine racheté par une entreprise américaine, et s’en sont même inquiétés auprès de la Commission européenne. Dès 2011, l’activité de l’usine a ralenti car l’État français n’a pas renouvelé ses commandes de masques. Au même moment, un gros client a interrompu son contrat et un premier plan social était lancé. Une logique implacable dans notre économie où la base de la réflexion est le chiffre, des profits possibles et de la sacro-sainte rentabilité même quand il s’agit de secteur qu’on pourrait qualifier de stratégique pour la population, et donc l’Etat. Sept ans et quatre plans de réduction d’effectifs plus tard, Honeywell a fermé le site de Plaintel, en septembre 2018, délocalisé la production de masques de protection en Tunisie, et licencié 38 salariés. Cerise sur le gâteau, en novembre 2018, la plupart des machines ont été envoyées chez le ferrailleur. Tout cela « pour rationaliser nos opérations mondiales et mieux servir [ses] clients ».

La logique du capitalisme est celle de la concurrence, celle du profit : elle est incompatible avec la tâche simple de pouvoir faire face à la moindre crise sanitaire. Simple car on parle ,à ce moment, uniquement d’être capable d’avoir des stocks de masques, des stocks de gel Hydro-alcoolique ou de respirateurs. Avec une prévision de la pandémie qui date de fin janvier, il aurait largement été possible de réorienter la production de certains secteurs, faire des stocks, acheter même au prix forts s’il fallait.

Mais tout cela n’est pas possible dans le capitalisme car ce qui compte c'est le profit immédiat et non le bon fonctionnement de la société ni de répondre aux besoins vitaux.

Les Etats pouvant produire cela ont mis en place une préférence nationale, les tests ont même été offerts sur le marché international, c’est à dire ouvert aux plus offrants, et l’un des membres des laboratoires Clément à tout simplement expliqué sur BFM TV que la France avait proposé un prix trop faible pour pouvoir accéder à l’achat de stock. Une déclaration qui a d’ailleurs été confirmée par de nombreux cadres de différents laboratoire.

D’autres épidémiologistes alertent sur cette situation, poussant encore plus loin les inégalités de richesse. Ainsi faire un test en Suisse ou en Autriche est possible mais à des prix prohibitifs, de 150 à 300 euros, par contre la France ayant proposé uniquement 54 euros. Elle est de fait reléguer très loin dans les listes de vente de ces tests car ne permettant pas de dégager beaucoup de profits pour les entreprises. Pourtant, le fait de contraindre ces entreprises aurait permis à toutes et tous d’en profiter sans même parler d’une logique de réquisition, juste imposer une production pour tous avec un dédommagement.

3) Des moyens mais pas pour nous

En prenant par le petit bout de la lorgnette, les épisodes des masques, celui des tests… sont révélateurs du monde dans lequel nous vivons, un monde où le profit est roi peut importe les conséquences. Nous n’avons pas le droit aux masques, d’ailleurs les soignants n’en ont pas assez et même des secteurs, comme la police, qui apparaissent comme « centraux » pour notre gouvernement n’en ont pas ou pas assez non plus. Mais les ministres, le président, les secrétaires d'Etat… eux ont des masques et sont même testés s’ils ont un doute, quand pour le commun des mortels il faut avoir des symptômes graves ou de co-morbidité, c’est à dire avec des facteurs aggravants, pour espérer pouvoir l’être.

En réalité, c'est qu’ils ont des moyens qui ne sont pas les nôtres : beaucoup de joueurs de foot, comme Matuidi ou Mbappé, ont expliqué avoir eu le COVID-19 ou avoir été testés mais ils l’ont fait par le biais de médecins personnels et de laboratoires privés.

Finalement, la différenciation de classe est encore bien présente.

D’ailleurs pour un certain éditorialiste de BFM TV avec une écharpe rouge, la mort de Patrick Devedjian est un tournant dans l‘épidémie, les décès d‘Aïcha Issadounène, caissière à carrefour, les médecins de l'Est, les salarié.e.s de la RATP, les ouvriers de l'automobile. ne l‘étaient pas alors ? La mort de ces héros selon leurs propres termes n‘était pas assez importante pour eux ? Non. Elles et eux ne sont rien : de simples vies brisées pour la continuité de l‘économie « normale ». Cette économie est le problème finalement.

Les efforts financiers, annoncés, sont incommensurables. Pour l’Europe, c’est 750 milliards d’euros, de quoi construire 5 244 hôpitaux à l’échelle européenne, en partant d’un coût de 143 millions d’euros pour la construction d’un hôpital (basé sur l’étude de l’offre donnée publiquement pour un hôpital de grande taille dans le 77) , 57 millions des respirateurs, beaucoup beaucoup de masques… Mais cet argent n’ira pas à l’effort de santé, à la construction ou à la reconversion forcée de certaines entreprises mais dans le rachat de dette publique et privée. Puis pourquoi construire des hôpitaux, ou des usines puisqu’il faudrait les fermer après ? Changer la production des chaînes, cela créerait du retard lors du "retour à la normale".

Conclusion : Leurs profits ont dicté leurs politiques, ils ont été l’alpha et l’omega de toutes décisions car ils se savaient globalement à l’abris et que pour eux le pire cataclysme c’est pas l’épidémie mais la crise économique et les crises politiques qui s’annoncent. Leurs individualisme, non pas en tant que personne, mais bien en tant que groupe social dirigeant nous ont mené droit dans le mur, droit dans cette crise sanitaire sans précédent dans les sociétés industrielles actuelles.


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